La face cachée d’Énergie Saguenay : augmenter les tarifs d’électricité pour polluer davantage

Le projet Énergie Saguenay c’est la liquéfaction et l’exportation de gaz naturel produit par fracturation hydraulique en Alberta. Son entrée en service est prévue pour 2027. La demande d’énergie colossale de ce projet en ferait un grand client industriel d’Hydro-Québec Distribution (HQD) dont la consommation annuelle (environ 5 TWh) équivaudrait à celle de près de 250 0000 familles.

Or, HQD nous annonçait récemment l’épuisement prochain du bloc d’électricité patrimoniale. Pour satisfaire aux besoins des Québécois, le distributeur devra donc recourir à des appels d’offres, et l’électricité qu’il se procurera par ce biais sera beaucoup plus onéreuse. Les 5 TWh additionnels que demanderait le projet Énergie Saguenay, et que HQD devrait acquérir à fort prix, entraîneraient dès 2027 un impact important sur les coûts d’approvisionnement.

Ce n’est que plus tard, toutefois, que les effets de la croissance de la demande associée à Énergie Saguenay se feraient sentir sur les tarifs résidentiels. En effet, en vertu du nouveau cadre réglementaire, les tarifs qui progresseront annuellement selon le taux d’inflation à partir de 2025 seront ajustés au coût de service réel en 2030.

Selon nos estimations, le manque à gagner résultant de l’écart entre les coûts d’approvisionnement et les revenus associés à Énergie Saguenay pourrait, cette année-là, avoisiner 310 M$. Pour couvrir ces pertes, HQD devrait donc hausser tous ses tarifs d’environ 2,1 %, soit le double de la hausse tarifaire prévue par HQD en l’absence de ce projet.

Ce n’est pas sans raison que le projet Énergie Saguenay est ardemment décrié par plusieurs économistes, mais aussi par les groupes environnementaux, qui le qualifient de désastreux. Les émissions liées à l’exploitation, au traitement et au transport du gaz jusqu’au Saguenay équivaudraient à environ 8 millions de tonnes de GES par année (soit l’équivalent des émissions moyennes de près de 3 millions de voitures). Selon certains experts, c’est jusqu’à 51 millions de tonnes de GES que produirait chaque année l’ensemble des activités liées au projet Énergie Saguenay.

En juin dernier, 150 scientifiques signaient une lettre ouverte demandant le rejet pur et simple du projet. En décembre, une pétition de plus de 110 000 noms en opposition au projet était déposée à l’Assemblée nationale. En outre, plus de 9 mémoires sur 10 produits devant le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) dans le cadre de la Commission d’évaluation environnementale sur Énergie Saguenay étaient défavorables au projet. En raison de l’opposition généralisée au projet, l’International Gas Union, qui représente plus de 95 % de l’industrie mondiale du gaz naturel, indiquait en avril dernier que le projet risquait fort de ne jamais se concrétiser.

Le gouvernement, pour sa part, ne semble toujours pas y avoir renoncé.

Tout milite pourtant en défaveur du projet Énergie Saguenay; le choc tarifaire que devraient encaisser tous les clients d’HQD pour approvisionner ce projet industriel dont l’absence d’acceptabilité sociale est totale sera trop important pour que le gouvernement ignore son impact lorsqu’il décidera s’il doit l’approuver ou non.

 

 

Pour information:
Viviane de Tilly
Analyste — Politiques et réglementation en matière d’énergie
Union des consommateurs

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