Articles les plus récents

Vercors Vie Sauvage : opération sauvetage des animaux de l’ancien enclos de chasse !

Pour la première fois en France, une association met fin à un enclos de chasse sans abattre les animaux. Une noble cause mais une tâche énorme, en raison des lourdeurs administratives et des pots cassés laissés par les anciens propriétaires.

Cerfs, daims, mouflons, sangliers : depuis que l’ASPAS a racheté en novembre 2019 le domaine de Valfanjouse dans le Vercors, suite à une vaste campagne de financement participatif, la grande majorité de ces animaux dont le destin premier était de finir en trophées ne sont plus inquiétés par les fusils.

Dans les années 80, la moitié de ce site grand de 490 hectares a été clôturée pour passer sous statut juridique « d’enclos de chasse » commercial, ce qui permettait à des chasseurs de s’y rendre à n’importe quelle période de l’année pour tirer toutes les espèces de gibiers à poil sans distinction d’âge ou de sexe…

Chasse en enclos = animaux exotiques, pollution génétique, problèmes sanitaires

En rachetant cet ancien enclos de chasse « dans son jus », l’ASPAS savait qu’elle allait hériter d’un certain nombre de problèmes à régler, en raison de la réglementation plus que laxiste de l’État à l’égard de ces lieux sordides et opaques : importation d’animaux exotiques à l’origine incertaine, contrôles sanitaires parfois inexistants, clôtures trouées, etc. (retrouvez ici notre campagne nationale contre la chasse en enclos).

À Valfanjouse, une espèce présente dans l’enclos est particulièrement problématique : le cerf sika. Ce cervidé originaire d’Asie est en effet susceptible de s’hybrider avec les cerfs européens (le cerf élaphe). Après des décennies de cohabitation en milieu clos, les cerfs de Valfanjouse sont de potentiels hybrides (une étude est actuellement en cours pour le déterminer) qui ne peuvent par conséquent être relâchés dans le milieu naturel.

Sauver les animaux avant de faire tomber les clôtures

En devenant propriétaire de ce site, l’ASPAS, qui œuvre pour la protection des animaux sauvages et de leurs milieux s’est donné une double mission : d’abord stopper l’activité enclos de chasse, ensuite créer une nouvelle Réserve de Vie Sauvage®, c’est-à-dire une zone de protection forte laissée en libre évolution, sans chasse ni coupe de bois.

S’agissant des animaux, impossible de libérer les populations européennes sans autorisation des services de l’État.

Du fait de l’arrêt des activités de chasse, il a fallu agir vite pour éviter les surpopulations. Deux solutions ont été privilégiées : la stérilisation et le déplacement d’individus dans des refuges où ils pourront mourir de leur belle mort.

© Pierre Gleizes

Pour éviter que la préfecture n’ordonne l’abattage des animaux, l’ASPAS a demandé début 2021 une autorisation préfectorale pour procéder aux stérilisations, dans un premier temps des sangliers. L’autorisation a été obtenue, sous condition de stériliser mâles et femelles, ce que l’association a réalisé avec succès entre novembre et décembre 2021.

Des chutes de neige, une clôture qui s’abime, et des cerfs possiblement échappés…

Pendant que tous nos efforts étaient concentrés à réussir la première opération d’ampleur de stérilisation de sangliers sauvages en France, une petite partie de la clôture de Valfanjouse s’affaisse sous le poids de la neige. Sans pouvoir l’affirmer, il est très probable que certains cervidés se soient échappés à cette occasion puisque des individus au comportement semi-domestiqués ont récemment été observés.

Tout est fait pour tenter de les récupérer puisqu’on ne peut malheureusement pas les laisser en liberté en raison du sérieux risque de pollution génétique des populations de cerfs élaphes naturellement présents en dehors de l’enclos. Malgré les efforts de notre équipe, les échappés n’ont pas encore pu être ramenés dans l’enclos.

Le 28 mars 2022, la préfecture nous informe qu’elle ne pourra pas faire autrement, malheureusement, que d’ordonner l’abattage de ces quelques fugueurs… L’ASPAS regrette cette décision mais en prend acte, et s’emploie désormais à tout faire pour sauver tous les autres animaux encore présents dans l’enclos.

Des centaines d’évasions chaque année partout en France

Avec 1300 parcs et enclos de chasse en France, l’évasion d’animaux est un phénomène répandu et récurrent. Selon l’ONCFS : « L’état de la clôture est considéré comme douteux ou non étanche […] pour 10% de la totalité des structures. » Entre 2006 et 2008, « il a été noté 3 648 animaux échappés de 434 structures ».

Des évasions de cerfs sika ont déjà été constatées dans plusieurs départements de France : en 2018, malgré une volonté de l’État d’éradiquer complètement cette espèce de France, le sika était encore présent à l’état libre dans 84 communes de 19 départements*.

Deux sika © Olivier Mercier

À certains endroits, les gestionnaires de chasse ont même fait pression pour obtenir le maintien de populations de sika en liberté ! Encore un exemple de laxisme aberrant de l’État envers ceux qui se revendiquent les « premiers écologistes de France »…

Des sanctuaires pour que les animaux meurent de leur belle mort 

En parallèle des opérations de stérilisation, qui vont maintenant concerner les cervidés, l’ASPAS recherche activement des lieux d’accueil pour replacer les animaux de l’enclos, afin que son projet de Réserve de Vie Sauvage® sans clôture devienne réalité. Plusieurs pistes sont actuellement à l’étude, dont une en Gironde.

* Revue Faune Sauvage n°326 de l’ONCFS du premier trimestre 2020

© Photo d’en-tête : Pierre Gleizes