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Série

NFT, bitcoin, cryptomonnaies : les « rich geeks » prêts à investir des milliers d'euros

SERIE « LA JEUNESSE ET L'ARGENT » - EPISODE 3/3 -Les lacunes en matière d'éducation financière des Français sont régulièrement pointées du doigt. Pour se lancer dans l'investissement, de plus en plus de jeunes s'auto-forment et n'hésitent pas à aller chercher info et conseils partout où c'est possible : entourage, applis, ludiques…

Copie d'écran du site spécialiste OpenSea où s'achètent et se revendent des NFT, ici de © Weird Whales, échangés en éthereum.
Copie d'écran du site spécialiste OpenSea où s'achètent et se revendent des NFT, ici de © Weird Whales, échangés en éthereum. (OpenSea)

Par Lucile Meunier

Publié le 29 nov. 2021 à 16:10Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

La pandémie a accentué ou provoqué chez certains une crise de sens, mais elle a aussi permis à une majorité de jeunes de remplir leur bas de laine ! Aux Etats-Unis, 65 % des 18-39 ans estiment que la crise a eu un impact positif sur leurs finances en évitant la surconsommation, selon une récente étude réalisée par le site spécialisé Money Under 30.

Surtout, cette génération se dit prête à investir cette épargne, maintenant et sur les marchés. Ce qui est plus nouveau, estiment les auteurs de l'étude, surtout dans une année boursière chahutée.

En 2020, 400.000 nouveaux investisseurs ont fait leurs premiers pas en Bourse, selon l'Autorité des marchés financiers (AMF). Cette appétence s'illustre par le succès des applications de trading, à l'instar de Robinhood qui compte environ 22 millions d'aficionados outre-Manche.

Le phénomène gagne progressivement le Vieux Continent . La fintech française Lydia, qui touche 30 % des 18-30 ans, a annoncé le 22 novembre se lancer dans le trading. Ses 5,5 millions d'utilisateurs pourront désormais acheter et vendre des actions, ETF, métaux précieux et surtout des cryptomonnaies.

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« Aux Etats-Unis, près de la moitié des millennials ont de la crypto. La même chose va arriver en Europe », a confié aux « Echos » Cyril Chiche, patron de Lydia. Selon le rapport de crypto.com publié en juillet 2021, le nombre d'utilisateurs a doublé en six mois et, sur la même période, le bitcoin a vu son cours augmenter de 25 %.

Charlie, vingt-deux ans, fait partie des récents initiés. En janvier 2021, son premier salaire d'infographiste 3D en poche, il se tourne vers les cryptomonnaies, mais pas seulement pour l'argent : « Ça m'intéresse de comprendre le fonctionnement de la blockchain derrière les cryptomonnaies et les solutions que celle-ci apportera dans le futur. » Sur les conseils d'un ami investisseur, le jeune diplômé a misé sur le bitcoin et l'ethereum, les deux monnaies les plus répandues. Parti avec 2.500 euros, son portefeuille en affiche aujourd'hui 3.500.

L'essor des NFT

Comme pour les jeux vidéo dont Charlie est fan, la blockchain regorge de règles à assimiler et à partager entre amis. C'est encore plus flagrant pour les NFT ( non-fungible tokens ), ces objets virtuels uniques revendus des milliers d'euros avec leur certificat d'authenticité. Basées sur la blockchain, ces perles rares prennent des formes bien identifiables sur Internet : dessins, morceaux de musique, photos ou oeuvres d'art en tout genre… Récemment, Booba a par exemple publié un morceau exclusif réservé aux propriétaires de ses NFT.

Charles, vingt-cinq ans avait déjà un pied dans l'investissement en Bourse avant de se tourner vers les NFT : « J'ai investi sur des projets dans lesquels je crois et qui sont suivis par beaucoup de personnes sur Discord et Twitter. Je dirais que c'est un peu un monde de 'rich geeks' entre vingt et trente ans, qui sont prêts à dépenser des milliers d'euros pour une image. » Pour sa part, Charlie a même fait une bonne affaire grâce à Discord : « Des mecs disaient qu'on pouvait avoir des pulls Karl Lagerfeld en NFT gratuitement en se positionnant en premier. J'ai réussi à en avoir cinq. On veut toujours être le premier sur chaque projet. »

Une figurine virtuelle à l'effigie de Karl Lagerfeld, vendue par la maison sous forme de NFT

Une figurine virtuelle à l'effigie de Karl Lagerfeld, vendue par la maison sous forme de NFTKarl Lagerfeld

Cet aspect collaboratif a bouleversé le rapport des jeunes à l'argent, analyse Elodie Gentina, enseignante-chercheuse à IESEG School of Management. « L'argent est important, mais pas primordial. Ce qui importe, ce n'est pas de posséder mais plutôt de partager ce que l'on est au monde, sur les réseaux sociaux », précise-t-elle, allant jusqu'à qualifier cette génération de « post-matérialiste ».

Se former sur TikTok

C'est aussi sur les réseaux sociaux que les jeunes s'initient, avec les influenceurs les plus en vogue. En France, Clément Youdec comptabilise par exemple plus de 250.000 abonnés sur TikTok. Il y partage ses connaissances sur les cryptomonnaies, les NFT et propose une formation payante pour « décupler son QI financier ». Aux Etats-Unis, 41 % des jeunes de la Gen Z (ceux nés après 1995) déclarent avoir eu recours à TikTok pour accéder à de l'information financière en décembre 2020, selon une étude publiée par LendingTree en janvier 2021.

Capture d'écran d'une publication de Clément Youdec, finfluenceur sur TikTok.

Capture d'écran d'une publication de Clément Youdec, finfluenceur sur TikTok.DR

Jusqu'à atteindre des personnes de plus en plus jeunes. En septembre 2021, Benyamin Ahmed, âgé de 12 ans , a gagné plus de 300.000 euros en vendant ses NFT, des dessins de baleines uniques inspirés de Minecraft du nom de Weird Whales. Un besoin d'instantanéité, résume Elodie Gentina : « Cette génération veut gérer son argent de la même manière qu'elle commande un Uber, en un clic. Mais si les jeunes sont très bons pour trouver rapidement une information, celle-ci n'est pas toujours vérifiée. »

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Une méconnaissance financière

Or les (jeunes) Français ne se distinguent pas particulièrement par leur éducation financière. Plus de trois quarts des Français estiment avoir un niveau de connaissance insuffisant sur les questions financières, selon la Banque de France.

Et près d'un jeune de plus de quinze ans sur cinq « n'atteignait pas le niveau de compétence de base en culture financière », pointait l'étude Pisa de l'OCDE sur cette question, parue en 2014. Depuis, la France n'a plus souhaité se soumettre à l'évaluation du volet « éducation financière ».

Cette méconnaissance, « c'est l'une des raisons majeures qui empêche d'investir. Pourtant, plus qu'un apprentissage théorique, cette connaissance s'acquiert en pratiquant », constate Thomas Perret, fondateur de Mon Petit Placement, une appli qui démocratise l'investissement financier et vient de lever 6 millions d'euros. « Une personne ayant déjà plusieurs investissements à son actif sera plus à même d'adopter le bon comportement sur les marchés. »

C'est aussi ce que constate Yoann Lopez qui a créé la newsletter Snowball, un guide pour mieux gérer ses finances personnelles et investir. Suivie par 18.000 personnes, la newsletter convainc majoritairement des jeunes entre 25 et 35 ans et 80 % d'hommes.

« Ils n'ont pas forcément d'argent à investir maintenant. Certains s'informent pour l'avenir ou commencent par une petite épargne de 50 euros. L'investissement, ce n'est pas un sprint mais un marathon. Plus on a d'années derrière soi, plus vite on arrivera à l'indépendance financière », analyse le fondateur.

Les applis ludiques

Et cet apprentissage peut commencer très jeune, bien avant son premier salaire, en maîtrisant son budget et en épargnant. Selon un sondage réalisé par Jam en 2020, 67 % des quinze - vingt-cinq ans déclarent économiser et trois sur quatre disent faire leurs comptes régulièrement.

Ninon, 24 ans, a d'ailleurs choisi l'application Bankin'lorsqu'elle était encore étudiante et en difficulté financière : « Ça ne m'a pas permis d'économiser beaucoup, mais ça a surtout diminué mon anxiété. Finalement, c'est devenu marrant de gérer mon budget car je peux facilement voir où je dépense mon argent et si je suis dans les clous, grâce aux schémas. »

Du ludique grâce aux applis, mais aussi un nouveau marqueur identitaire et parfois un rite de passage vers l'âge adulte, estime Elodie Gentina. « Avant, on avait des étapes très établies pour passer du statut de l'adolescent à l'âge adulte, comme le service militaire ou le mariage. Aujourd'hui, l'adolescent se construit des micro-rites d'expériences à risque, axés souvent sur la consommation. Parmi eux, on peut trouver l'investissement financier, notamment les cryptomonnaies. »

Et tant pis si le bitcoin et autres cryptomonnaies sont très gourmands en énergie. Investir écolo, c'est la cerise sur le portefeuille.

Trois newsletters pour se réconcilier avec l'éco :

- Snowball (hebdo) : L'entrepreneur Yoann Lopez donne des infos et des pistes pour investir sur les marchés (actions, crypto, NFT…).

- Spak (hebdo) : le think tank du même nom décrypte les enjeux économiques et financiers du moment.

- Spoune (bi-mensuelle) : la start-up de l'immobilier Virgil vous apprend à être « money-smart » au quotidien.

Lucile Meunier

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