Quand certains élus du Rassemblement national (RN) cherchent à contourner l’épineux sujet de la retraite à 60 ans, ils lâchent un sourire ou un : « Joker ! » Des mois que cette mesure-phare du projet de Marine Le Pen depuis 2012 divise le parti en deux camps. Ceux, d’un côté, qui veulent conserver la fibre sociale de la ligne mariniste qui avait triomphé à la tête du Front national il y a dix ans. Ceux, de l’autre, qui cherchent à multiplier les clins d’œil à la droite dans une stratégie de normalisation. Marine Le Pen a, semble-t-il, tranché.
« Je maintiens et je maintiendrai », a-t-elle répondu, interrogée samedi 11 septembre à Fréjus (Var) dans un bar de plage, en marge de son meeting de rentrée. Avant de le réaffirmer, mardi, sur Europe 1, en insistant longuement sur « la condition des quarante annuités ». « Il est naturel d’imaginer que celui qui a porté des pierres toute sa vie ou qui est plâtrier a plus besoin de partir à la retraite à 60 ans qu’un avocat ou un comptable », a justifié la députée RN du Pas-de-Calais, sans préciser qu’avec sa réforme l’avocat et le comptable partiraient, eux aussi, trois ans plus tôt, par rapport aux quarante-trois annuités pour une retraite à taux plein.
En réalité, la rivale d’Emmanuel Macron s’appuie sur un sondage confidentiel, commandé pour tester plus de 100 mesures auprès des Français et aider ses équipes à bâtir son projet présidentiel. Les résultats de cette enquête ont été présentés à la direction du RN et aux Horaces, groupe d’une vingtaine de hauts fonctionnaires et conseillers de l’ombre, lors du week-end des 4 et 5 septembre. La retraite à 60 ans y figure et, au soulagement de l’état-major du parti, emporterait largement l’adhésion. A Fréjus, samedi, Mme Le Pen a ainsi pu vanter sa proposition comme étant « très populaire », et même « majoritaire dans l’opinion ».
Un dangereux totem
Mais son projet reste à double tranchant. Marine Le Pen a beau s’évertuer à l’expliquer – « on m’a posé la question 2 866 fois », ironisait-elle au printemps –, rien n’y fait : il nourrit le procès en manque de crédibilité économique et budgétaire. Selon le cabinet de Bruno Le Maire, le coût d’une telle réforme s’élèverait à 40 milliards d’euros par an.
Mme Le Pen y voit au contraire « l’art de faire des choix, de financer cela plutôt qu’autre chose » : instaurer la retraite à 60 ans avec quarante années de cotisation constitue, pour elle, « une priorité ». Les économies qu’elle évoque pour y parvenir se déclinent en trois leviers principaux : la création d’emplois, la lutte contre la fraude sociale et l’arrêt de l’immigration. Autrement dit, plutôt que de « demander des efforts toujours aux mêmes », elle ferait « des économies sur les dépenses nocives », selon ses termes, comme l’aide médicale d’Etat aux étrangers en situation irrégulière (1 milliard d’euros).
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